Haïti : « La catastrophe a créé une place pour nous les jeunes ! »

28 novembre 2013

Haïti : « La catastrophe a créé une place pour nous les jeunes ! »

euronews-haiti

Près de quatre ans après le séisme,  les étudiants venus étudier au Bénin espèrent une meilleure réinsertion une fois rentrés au pays.

12 janvier 2010 : 16 heures 53 minutes : ‘’l’heure de l’apocalypse haïtien’’. Un tremblement de terre de magnitude 7 va mettre Haïti et sa capitale Port au prince à terre. Le séisme fait 230 000 morts, 300 000 blessés et 1,2 millions de sans abris. La majorité des Institutions étatiques est touchée dont le palais présidentiel et l’économie, déjà l’une des plus faibles au monde (149ème rang), est exsangue.

Ce jour là, Thomas Moise venait de terminer ses cours. Il était étudiant en quatrième année de la faculté de linguistique appliquée de l’Université d’Etat d’Haïti à Port au prince. « Je venais à peine de laisser la faculté quand j’ai vu tout le bâtiment s’écrouler. C’est à ce moment que j’ai su que c’était un tremblement de terre. Tout bougeait autour de moi ! » raconte t-il.

Yves Gaspard  n’a pas été moins chanceux. Étudiant en sciences informatiques à l’Ecole Supérieur d’Infotonique d’Haïti (ESIH), il était en séance de travail avec quelques amis. « Nous étions entrain de travailler pour la préparation des partiels. A un moment donné nous avions décidé d’arrêter parce que nous étions tous fatigués », se souvient Yves. Après quelques courses dont une visite chez une amie, c’est dans un restaurant de Port au prince en compagnie d’un ami que Yves va vivre les toutes premières secousses du séisme – la secousse principale a duré 2 mn 30s mais l’on a enregistré au 24 janvier 2010, 52 autres répliques de magnitude supérieure ou égale à 4,5.

Yves s’en sort avec quelques égratignures aux doigts, mais perd deux de ses amis. Le lendemain il retourne à l’école. La salle où il étudiait avec ses amis n’existe plus. « Il n’en restait plus rien. La salle était au rez-de-chaussée. Tout le bâtiment s’est effondré ».

Le secteur de l’enseignement supérieur a été durement touché

A l’image de l’école de Yves ou de la Faculté de Thomas, les secteurs de l’éducation et de l’enseignement supérieur ont été durement touchés par le tremblement de terre. Des milliers d’élèves, d’étudiants d’enseignants et de professeurs ont péri sous les décombres. Plusieurs universités publiques et privés ont été gravement endommagées : l’Université d’Etat d’Haïti, la plus grande du pays ; l’Université Notre Dame d’Haïti (UNDH) ; l’Académie Nationale Diplomatique et Consulaire (ANDC) ou encore l’Université Quisqueya (UNIQ) pour ne citer que celles là. Cette dernière a d’ailleurs perdu ce 12 janvier, quinze étudiants, un professeur et deux cadres. « Le 20 décembre 2009, nous venions d’inaugurer de nouveaux bâtiments. Trois semaines plus tard, l’université était entièrement détruite » a confié le recteur Jacky Lumarque au Monde.

Pour leur permettre de continuer leurs études, l’état haïtien en accord avec le gouvernement béninois a envoyé en mars 2011 un contingent de 100 étudiants. 160 autres se sont envolés pour le Sénégal. Le choix s’est fait sur concours. Thomas Moise s’est inscrit  à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin (UAC). Il y apprend  l’analyse et la politique de développement. Yves Gaspard, lui, étudie du côté de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (Enam). Il y étudie les sciences et techniques de l’information documentaire. Ils sont tous deux en fin de cycle comme la majorité de leurs camarades et dressent un bilan flatteur de leur cursus. « Nous sommes très satisfaits de la formation. Le nouveau système (LMD) qu’ils sont entrain d’installer demande à l’étudiant beaucoup d’efforts. De fait je peux dire que la formation est bonne. Et nous apprécions le fait qu’en trois ans, on peut avoir une licence [ndlr : la licence en Haïti se prépare en quatre ans] » se réjouit Thomas Moise, président de la communauté des étudiants haïtiens.

Près de quatre ans après le séisme, Haïti est toujours en reconstruction. L’économie n’est pas encore complètement relancée. La reconstruction des bâtiments publics vient à peine de commencer, et les sans-abris sont encore nombreux.Des milliers de personnes attendent encore d’être relogées et vivent toujours dans des camps de tentes ou des bidonvilles. Le taux de chômage bat des records. Il est évalué à 70% de la population active.  Haïti a-t-elle aujourd’hui les moyens de proposer un avenir à ses étudiants ? « Nous avons perdu beaucoup de cadres de l’administration publique lors du tremblement de terre, répond Thomas. Cela créera de la place pour nous les jeunes. Je pense qu’il y aura des débouchés. Si nous avons des diplômes, nous sommes bien formés c’est sûr qu’il y aura de l’emploi. »

Plusieurs cadres de l’administration et des fonctionnaires internationaux ont péri lors du séisme. A titre d’exemple, 101 employés de l’ONU ont perdu la vie. La catastrophe a même été considérée comme la « pire que les Nations unies aient subi jusqu’ici ».

Haïti a été longtemps qualifié de « République des ONG« , à cause de leur présence massive. Yves n’exclue pas de travailler un jour pour l’une d’entre elles car « je ne me vois pas travailler pour l’administration. » A moins qu’il n’ouvre un cabinet de consultant et d’archivage.

Hermann BOKO

 

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