En Afrique, le développement minier promu au détriment des droits de l’homme

Article : En Afrique, le développement minier promu au détriment des droits de l’homme
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15 octobre 2013

En Afrique, le développement minier promu au détriment des droits de l’homme

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Crédit photo : Reuters Siphiwe Sibeko

Pendant plus d’un an des citoyens de différents pays, géants miniers, ont vu leurs droits être bafoués par les pouvoirs publics au profit du développement minier.

Le drame de Marikana

16 août 2012, la police sud-africaine tirait sur des mineurs travaillant dans la mine de platine Lommin de Marikana, faisant plus de 34 morts et 78 blessés. Ces mineurs – ils étaient plusieurs milliers – manifestaient pour une hausse de leurs salaires jugés très insuffisants à voir le travail qu’ils abattaient au péril de leur vie. Ils manifestaient pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, jugées très précaires comme celles de Masuli Danga.

Cet extracteur de platine de 28 ans dort et s’entasse tous les jours, avec ses trois jeunes frères dont il à la charge, dans une pièce de trois mètres sur trois. Il rêve d’avoir une habitation assez confortable. « L’autre jour, au fond de la mine, j’ai dit à mon chef que j’avais vraiment envie de reprendre les études. Il m’a répondu : « Mais qui va alors gratter le platine si tu as une éducation ?» Confiait-il à Sébastien Hervieu journaliste au ‘’Monde’’ dans l’un de ses reportages. Lors de la tuerie [de Marikana] « j’étais accroupi sous un rocher, mais j’ai vu trois hommes se faire tirer dessus, l’un se cachait, l’autre fuyait, le dernier voulait se rendre », affirme t’il.

Pour se justifier la police Sud-Africaine avait affirmé qu’elle était en légitime défense. « Les policiers ont dû faire usage de la force pour se défendre contre le groupe qui les chargeait. La police a commencé par utiliser le minimum de force, conformément à notre politique et à la loi. (…) Ce n’est que lorsque cela n’a pas suffi à stopper les manifestants que nous avons utilisé un autre moyen. Et je pense profondément, nous pensons, que cela était justifié ». Avait tenté de convaincre Riah Phiyega, la chef de la police nationale.

Une commission d’enquête a été installée par le gouvernement sud-africain pour faire la lumière sur ce drame. Le 19 septembre 2013, plus d’un an après, cette commission d’enquête rend les résultats de son enquête et accuse la police sud-africaine d’avoir menti.

« Nous avons obtenu des documents prouvant que la version de la police sur les événements de Marikana […] ne correspond pas à la vérité. Nous ne faisons pas cette déclaration à la légère. Ces informations n’ont pas été découvertes par nos chefs enquêteurs, mais volontairement remises par des membres de la police sud-africaine » a-t-elle déclaré.

Des agriculteurs démunis de leurs terres…

 

En Tanzanie, en 2007, des agriculteurs ont été évincés de leurs terres, maisons et plantations pour faire place à une des plus grosses mines d’or du pays. La mine est aujourd’hui gérée par Anglogold Ashanti, une compagnie aurifère basée en Afrique du Sud appartenant à la multinational Anglo American.

Mwajuna Hussein agricultrice de 75 ans issue du village de Mine Mpya, dans la circonscription de Mtakuja, une partie du District de Mwanza, dans la région du lac Victoria affirme avoir été attaquée par les agents de police à 5 heures du matin. « Ils ont arrêté trois personnes, les ont frappées et ensuite ils nous ont jetés ici », dans un campement composé de tentes de fortune construites avec des bâches en plastiques et des morceaux de bois et de métal, aux abords de la ville de Geita, dans le nord de la Tanzanie. Elle y vit depuis six ans maintenant, avec 250 personnes déplacés aussi du village en 2007. Ils n’ont plus les moyens de se refaire bâtir une maison. Tant les compensations et dédommagements données par l’Etat Tanzanien ne sont pas à la hauteur des biens perdus.

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La mine d’or de Geita où des agents de sécurité ont tué dans la semaine du 19 mai 2012, un homme de 20 ans qui tentait avec une trentaine de personnes, d’emporter du sable censé contenir de l’or.

Selon les lois foncières de la Tanzanie, les communautés déplacées par l’État ont le droit de recevoir une compensation adéquate. Il peut s’agir d’argent comptant, de terres ou de bâtiments de qualité comparable. La compensation peut-aussi inclure des plantes et des semences et aussi un approvisionnement régulier en grains et autres aliments de base.

Mais selon une enquête en 2008 beaucoup d’agriculteurs ne comprenaient pas à quel montant ou quel type de compensation, ils devraient s’attendre. Dans un cas, un agriculteur n’a été payé que 400 milles shillings tanzaniens (239 dollars US) pour son petit lopin de terre, sa maison, ses bananiers et ses plants de manioc. Certains disent même n’avoir reçu aucune compensation pour la perte de leurs fermes.

…et des villageois tués de sang froid

 

Toujours en Tanzanie, dans le village de Kewanja, situé à l’extrême nord-ouest du pays, les populations risquent leur vie pour s’approprier les débris, les quelques miettes d’or que génère une mine d’or située sur une montagne « la montagne grise » après exploitation.

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Chaque jour, hommes, femmes et enfants se ruent vers l’immense montagne armés de machettes et de bâtons. Ils escaladent, fouillent dans l’espoir de trouver quelques miettes d’or. Nombreux sont les personnes dans ce village qui vivent de cette activité. On les appelle ‘’the intruders’’ (les intrus en Français).

Le site aurifère appartient à l’entreprise African Barrick Gold (ABG), une filiale de la société canadienne, leader dans le secteur de l’or, Barrick Gold.

L’entreprise a fait garder le site par des policiers et militaires. Quelques fois quand les intrus arrivent, certains policiers corrompus acceptent regarder ailleurs quelques instants. Mais quand la situation n’est plus soutenable, ils n’hésitent pas à tirer sur les populations.

Les journaux locaux titrent régulièrement sur les morts et blessés de la mine. En 2012 au moins huit morts ont été tués devant la mine.

Selon un rapport de l’organisation pour la défense des droits de l’homme Legal and Human Rights Center (LHRC) qui siège à Dar el Salam, capitale tanzanienne le nombre de morts est devenu « alarmant » ces dernières années. Dans la plupart des cas, les coupables restent impunis, dénonce Helen Kijo-Bisimba, Directrice de LHRC.

A l’automne 2012, son organisation a déposé une plainte auprès des Nations unies et de la Cour pénale internationale à La Haye.

Hermann BOKO

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